Comment la loi Pinel a-t-elle affecté la répartition des charges locatives en matière de bail commercial ?

 

 

En bref

La loi Pinel empêche désormais de prévoir dans le contrat une répartition des charges conduisant les locataires à supporter les dépenses liées aux « grosses réparations » de l’article 606 du Code civil.

Toutefois, elle ne s’applique qu’aux baux conclus ou renouvelés à partir du 5 novembre 2014.

Ainsi, les contrats antérieurs à cette date peuvent prévoir de mettre à la charge des locataires le coût des réparations prévues par l’article 606 du Code civil.

 

 

La répartition légale des charges locatives

 

L’article 605 du Code civil met à la charge du locataire les réparations dites d’entretien et à la charge du bailleur les « grosses réparations ».

L’article 606 du même Code précise que « les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ». Il ajoute : « Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier ».

Alors qu’elle considérait auparavant cette liste comme exhaustive, la jurisprudence considère désormais que les grosses réparations visées à l’article 606 du Code civil sont celles qui « intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale » tandis que les réparations d’entretien sont celles qui sont « utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble »

3e Civ., 13 juillet 2005, Bull. 2005, III n° 155, pourvoi n° 04-13.764

 

La qualification des réparations relève ainsi de l’appréciation souveraine des juges du fond.

 

Il faut encore souligner que l’article 1754 du Code civil dresse une liste non exhaustive des réparations locatives qui, sauf clause contraire, sont à la charge du locataire.

Ainsi, sur cette liste figure notamment les réparations relatives « aux portes, croisées, planches de cloison ou de fermeture de boutiques, gonds, targettes et serrures ».

À noter également que l’article 1755 du Code civil dispose que les réparations locatives ne sont pas à la charge du locataire lorsqu’elles ne sont occasionnées que par vétusté ou par force majeure.

 

En outre, le décret n° 87-712 du 26 août 1987 précise que : « sont des réparations locatives les travaux d’entretien courant, et de menues réparations, y compris les remplacements d’éléments assimilables auxdites réparations, consécutifs à l’usage normal des locaux et équipements à usage privatif » (art. 1).

Ce décret établit une liste non exhaustive des réparations ayant le caractère de réparations locatives.

Il faut souligner que ce décret a été pris en application de l’article 7 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

Or, celle-ci a été abrogée par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 .

Cependant, les décrets pris en application des articles 7, 18, 21, 23 et 24 abrogés et des articles 25 et 29 modifiés de la loi de 1986 restent en vigueur pour l’application de la loi de 1989, et ce jusqu’à l’intervention des décrets correspondants pris en application de la loi de 1989.

 

À l’origine, ces dispositions n’étaient pas d’ordre public et le contrat pouvait prévoir une répartition des charges différente.

Reste que, si le contrat n’organise pas une répartition différente, la répartition s’effectue telle qu’elle est prévue par la loi.

Avec la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi Pinel », ce n’est plus le cas aujourd’hui.

 

 

La loi Pinel : un obstacle à la répartition des charges organisée par le contrat

 

Le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 pris en application de la loi Pinel a introduit dans le Code de commerce un nouvel article R. 145-35.

Cet article dresse une liste des dépenses qui ne peuvent être imputés aux locataires. Parmi ces dépenses figurent notamment celles liées « aux grosses réparations ».

Concrètement, il est désormais impossible de mettre à la charge du locataire les réparations prévues à l’article 606 du Code civil.

L’article précise également que les dépenses liées à la vétusté ou à la mise en conformité d’un bien ne peuvent être imputées aux locataires dès lors qu’elles se rapportent aux réparations de l’article 606.

Par une lecture a contrario du texte, on peut en conclure que, si elles ne relèvent pas des « grosses réparations », il est possible de faire supporter aux locataires le coût des dépenses liées à la vétusté du bien.

En outre, l’article exclut des dépenses non imputables aux locataires les dépenses qui se rapportent « à des travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique ».

En d’autres termes, lorsqu’il est question de travaux d’embellissement, peu importe qu’il s’agisse de « grosses réparations » ou de réparations dues par vétusté : ces dépenses peuvent être mises à la charge des locataires.

 

 

Sur l’application de la loi Pinel dans le temps

 

Le décret du 3 novembre 2014 prévoit que les dispositions de l’article R. 145-35 ne s’appliquent que pour les contrats conclus ou renouvelés après sa date de publication.

Ledit décret ayant été publié le 5 novembre 2014, une répartition différente est donc toujours possible pour les contrats antérieurs à cette date.

 

 

En conclusion

 

Lorsque se pose la question de la répartition des charges locatives, il faut vérifier :

  • les termes du contrat relatifs à la répartition des charges
  • la date de conclusion ou de renouvellement du contrat

 

Si le contrat ne prévoit rien, la répartition s’effectue selon les dispositions légales (art. 605 et 606 du Code civil notamment).

Si le contrat prévoit une répartition différente, la répartition s’effectue selon les termes du contrat sous réserve des dispositions de la loi Pinel pour les contrats conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014.

Cela signifie que, pour les contrats antérieurs, des charges normalement supportées par le bailleur peuvent être imputées.

Néanmoins, l’inverse est également vrai : des dépenses normalement supportées par le preneur peuvent être mises à la charge du bailleur.

À cet égard, on peut noter que, loi Pinel visant à renforcer la protection des locataires, de telles stipulations contractuelles peuvent être prévues indifféremment de la date de publication du décret n° 2014-1317.

En effet, l’article R. 145-35 ne concerne que les dépenses que les contrats imputeraient aux locataires.

 

Il est donc absolument vital de rédiger avec précaution le contrat portant sur le bail commercial.

Le cabinet Partners in law saura vous accompagner et vous conseiller en cas de difficultés.

 

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